La petite histoire de la chanson à textes..."S'en revirar en l'escur", par Zine
- Zine - artiste niçoise
- il y a 6 jours
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Back to Black d’Amy Winehouse et son écho niçois par Zine : le chagrin en noir et or
Sortie en 2006, la chanson "Back to Black" d’Amy Winehouse s’est rapidement imposée comme un hymne moderne au cœur brisé. Avec sa voix rauque et ses sonorités soul d’un autre temps, l’artiste britannique y racontait la douleur d’une rupture avec une honnêteté brute, presque impudique.
Mais ce qui était déjà poignant dans sa version originale trouve une résonance aussi inattendue que savoureuse dans l’adaptation niçoise signée Zine, artiste locale incontournable.
Un texte cru, poétique, universel
Dans sa version anglaise, Back to Black mêle simplicité des mots et profondeur des émotions.
Amy Winehouse y raconte la déchirure d’une séparation : l’homme qu’elle aime retourne vers une autre, la laissant face au vide. Les paroles sont directes, parfois crues, comme un journal intime mis en musique.
“He left no time to regret / Kept his dick wet / With his same old safe bet.”
Ici, pas de détour ni d’embellissement : « Il ne m’a pas laissé le temps de regretter / Il gardait son sexe mouillé / Avec son éternelle valeur sûre. »
L’artiste dit tout, avec une franchise déconcertante.
Elle évoque la douleur du départ, la rechute dans la solitude, le retour à ce qu’elle appelle "le noir" : une métaphore de la dépression, du désespoir, du vide existentiel.
Une musique entre soul rétro et modernité
Musicalement, le morceau est une merveille de production. Inspirée de la soul des années 60, on y entend des échos de la Motown, des chœurs fantomatiques, une ligne de basse envoûtante, des arrangements à la fois sobres et chargés d’émotion.
C’est un écrin parfait pour la voix d’Amy Winehouse, à la fois cassée et pleine de feu.
La version niçoise de Zine : quand le noir devient "sourire jaune"
C’est là qu’entre en scène Zine, artiste ancrée dans la culture niçoise et occitane, connue pour ses textes acérés, sa voix douce-amère et son amour profond de la langue vivante.
Son adaptation de Back to Black en niçois conserve la trame émotionnelle du morceau, mais la transforme en un tableau à la fois drôle, local et caustique.
Voici un extrait de ses paroles revisitées :
"Et la vie est comme une musique / Et je sens vraiment comme un pilou* / Qui roule en descendant de Cimiez (ou de la Place Rossetti)"
Le ton est donné. Loin de simplement traduire, Zine s’approprie le texte, le fait rouler dans les ruelles de Nice, entre images savoureuses et autodérision.
Dans la chanson de Zine, se comparer à un pilou qui roule en descendant de Cimiez évoque une image de perte de contrôle, de dégringolade affective, où l'on se sent balloté, sans direction, à l'instar de ce volant qui roule sans but précis.
Le quartier chic de Cimiez ou la touristique Place Rossetti sont invoqués pour mieux ancrer le spleen dans le décor local.
*Qu’est-ce que le pilou niçois ?
Le pilou est un jeu traditionnel de jonglage originaire de Nice et de son arrière-pays, notamment pratiqué à Coaraze, où se tient un championnat mondial de la discipline. Il consiste à jongler avec un volant appelé « pilou », fabriqué à partir d'une pièce de monnaie trouée (souvent une pièce de 25 centimes de l'entre-deux-guerres) dans laquelle est inséré un morceau de tissu ou de papier.

Plus loin, elle chante :
"Perque cu avala amar non pòu escupir doç."
Parce que celui qui avale amer / Ne peut pas cracher doux
Une phrase brillante, pleine de sagesse populaire, qui pourrait venir d’une vieille grand-mère niçoise ou d’un café littéraire du Cours Saleya.
Une langue niçoise vivante, drôle, libre
Zine réussit le tour de force de faire dialoguer deux univers : celui de la soul britannique, et celui du sud de la France, avec son parler imagé, ses clins d’œil irrévérencieux et son amour des vérités qu’on dit sans filtre. Son adaptation est à la fois une traduction émotionnelle et une création à part entière.
À travers cette version, elle affirme quelque chose d’essentiel : la langue niçoise, et plus largement les langues régionales, ne sont pas figées dans le folklore.
Elles peuvent dire l’amour, le chagrin, le sexe, la solitude. Elles peuvent être drôles, modernes, acérées. Elles peuvent parler au monde.
Une réception contrastée : entre rire gêné et vérités dérangeantes
Le public niçois, souvent friand d’humour et d’autodérision, a accueilli cette adaptation avec surprise.
Si beaucoup ont salué l’audace et la justesse du propos, d’autres ont été dérangés par la crudité assumée et la dénonciation à peine voilée des lâchetés masculines.
Dans une culture méditerranéenne encore trop marquée par des réflexes patriarcaux, la parole d’une femme qui ose dire la vérité — et surtout la vérité sur le comportement des hommes — dérange.
Il est encore plus facile, hélas, de la qualifier d’"hystérique", que de reconnaître qu’elle a été blessée, abandonnée, maltraitée.
Et pourtant, c’est bien cela que Zine raconte, sans détour : la violence silencieuse des ruptures où l’homme s’échappe sans mot, sans excuse, laissant la femme avec ses larmes et ses souvenirs.
D’Amy à Zine : deux voix, une même intensité
Si Back to Black est devenu un classique, c’est grâce à sa sincérité brute. En la revisitant avec ses propres mots, Zine ne l’adoucit pas — elle la ré-ancre dans un autre territoire, avec d’autres codes, d’autres images.
Et pourtant, la douleur reste la même. L’amour perdu, la solitude, le "retour dans le noir"...
Que ce soit à Londres ou à Nice, ces sentiments n’ont pas de frontière.
C'était la petite histoire de la chanson à textes "S'en revirar en l'escur"...
Retrouvez les paroles et les liens pour écouter en cliquant sur l'image :
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