La petite histoire de la chanson à textes..."La bàia dei àngels", par Zine
- Zine - artiste niçoise
- il y a 2 jours
- 3 min de lecture


"The Dock of the Bay" : Otis Redding et l’éternité d’un souffle suspendu
Quand on évoque Otis Redding, une voix rauque, vibrante, s’élève immédiatement dans nos esprits. Parmi les nombreux bijoux de soul qu’il nous a légués, "(Sittin' On) The Dock of the Bay" occupe une place à part. Elle est douce, mélancolique, presque contemplative — une sorte de pause dans une carrière pourtant marquée par la puissance et l’urgence.
Une chanson née entre deux mondes
Coécrite avec Steve Cropper, cette chanson voit le jour en 1967, dans un moment de transition. Otis, jusque-là incarnation même de la soul sudiste et explosive de Stax Records, semble ici faire un pas de côté.
Il quitte les cris du cœur pour un murmure, les éclats de cuivre pour le roulement des vagues. C’est une chanson de solitude, de lassitude aussi, mais d’une beauté tranquille.
Otis l’écrit alors qu’il séjourne à San Francisco, et ça s’entend :
"Sittin' in the morning sun / I'll be sittin' when the evening comes…"
Il regarde l’eau, les bateaux qui passent, et l’impuissance face à un monde qui tourne sans lui. C’est à la fois un retrait et un acte de lucidité : celui d’un homme qui constate que malgré ses efforts,
"nothing’s gonna change".
Une chanson posthume, un souffle d’adieu
Ce qui rend la chanson encore plus bouleversante, c’est qu’Otis Redding meurt tragiquement dans un crash d’avion peu de temps après l’avoir enregistrée, en décembre 1967.
Elle sera publiée à titre posthume en janvier 1968, devenant son plus grand succès. Ironiquement, c’est cette ballade détachée, presque silencieuse, qui l’immortalise auprès du grand public.
On entend même, à la fin, les bruits de mouettes et le clapotis des vagues, ajoutés par Cropper au mix final. Cela donne à la chanson une dimension presque cinématographique : comme si Otis était devenu un souvenir, une silhouette floue assise au bord du monde.
Zine et la Baie des Anges : une réappropriation niçoise
Des décennies plus tard, l’artiste niçoise Zine offre une version française et locale de cette chanson mythique, dans un hommage empreint de douceur et d’ancrage territorial.
Elle y chante :
"Assise dans le soleil du matin / J’attends que le soir vienne / Je regarde les bateaux se rassembler / Puis je les regarde s’éloigner (et salut!)..."
Mais ce n’est plus la baie de San Francisco : c’est la Baie des Anges, là où le Paillon et la mer se rencontrent, là où Nice devient elle-même un refuge, une frontière intérieure.

La solitude d’Otis devient ici celle d’une femme qui "ensoleille ses os", qui "laisse son rêve" pour se retrouver face à l’immobilisme.
On y retrouve le même soupir, la même impuissance douce face à un monde figé :
"Regardez comme rien ne change jamais / Tout reste toujours pareil."
Zine n’en est pas à sa première réinterprétation.
Autrice-compositrice-interprète, elle mêle langue occitane, français, niçois, parfois arabe et anglais dans un univers singulier et poétique.
Par cette version de Dock of the Bay, Zine ne se contente pas de traduire — elle transforme, elle déplace.
Elle montre que même au bord de la Méditerranée, au creux d’une ville comme Nice, il existe des quais d’attente, des points fixes où l’on vient poser ses valises et son vague à l’âme. Et par sa voix douce et grave à la fois, elle fait résonner l’écho d’Otis Redding dans une langue du Sud.
Une soul qui prend le temps
Avec The Dock of the Bay, la soul cesse de vouloir sauver, dénoncer, exalter. Elle s’assied, littéralement. Elle s’interroge, se lasse, s’ouvre au silence. Et c’est peut-être ce qui la rend si universelle. Parce qu’au fond, qui ne s’est jamais senti immobile, inutile, ou simplement en quête de sens en regardant l’horizon ?
🎧 À réécouter les yeux fermés, pour mieux voir ce que cache le silence.
C'était la petite histoire de la chanson à textes "La bàia dei àngels"...
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