Li belugas de la diva : les radios de service public : un détournement de mission au service des intérêts privés ?
- Zine - artiste niçoise
- 9 avr.
- 18 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 6 jours
Les radios de service public : un détournement de mission au service des intérêts privés ? (de la nécessité d’imposer des quotas pour les langues régionales)

Préambule
Avec plus de 20 ans d'expérience en tant qu'artiste indépendant, auteur-compositeur-interprète et productrice en langue régionale, j'ai eu l'opportunité d'observer de près les dynamiques du secteur musical et des médias.
Cette longue expérience m'a permis de constater les obstacles majeurs auxquels les artistes régionaux font face, notamment en ce qui concerne leur visibilité sur les grandes radios.
En tant qu'actrice du milieu, il est de mon devoir d'informer le grand public des mécanismes financiers et des réalités qui entravent la diversité musicale dans les médias, et d'expliquer pourquoi il est crucial de soutenir et de promouvoir les artistes régionaux, non seulement pour préserver notre patrimoine culturel, mais aussi pour offrir une véritable pluralité musicale aux auditeurs.
Rappel de la Loi :
La préservation des langues régionales est un enjeu majeur qui est non seulement inscrit dans la loi Molac (loi n° 2021-1028 du 8 avril 2021 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion), mais également dans la Constitution française.
En effet, l'article 75-1 de la Constitution, adopté en 2008, reconnaît officiellement les langues régionales comme faisant partie du patrimoine de la France.
Cet article stipule :
"Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France."
Ainsi, cette reconnaissance constitutionnelle confère aux langues régionales une légitimité et suppose, dans un État de droit, une protection juridique qui va au-delà des simples engagements législatifs, renforçant leur importance dans la culture et la diversité de notre pays.
Or, le Conseil constitutionnel a vidé l’article 75-1 de toute portée juridique, estimant que « cet article n’institue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit ».
C'est tout simplement aberrant, mais en matière de langues, le Conseil constitutionnel semble considérer qu'il peut se permettre bien des entorses au droit.
La Loi française souligne l'importance de la promotion des langues régionales dans tous les secteurs, y compris dans les médias, afin de garantir leur survie et leur développement, en particulier face aux pressions commerciales qui peuvent limiter leur visibilité.
Introduction
La question de la place des langues régionales dans les médias, et plus particulièrement à la radio, reste un enjeu majeur pour la diversité culturelle en France.
"La situation des Occitans en France présente des parallèles frappants avec celle des peuples autochtones d'Amérique, notamment en ce qui concerne l'effacement culturel, la répression de la langue et l'invisibilisation de leur identité."
De la même manière que les peuples autochtones ont été soumis à des politiques d'assimilation forcée et à des violences physiques, les Occitans ont vu leur langue, l’Occitan, progressivement supprimée par l'État central.
Pendant des siècles, l'usage de l’Occitan a été stigmatisé, et ceux qui le parlaient étaient souvent traités comme inférieurs ou non civilisés, à l'instar des autochtones réduits à des citoyens de seconde zone.
Le système éducatif, avec son imposition du français comme langue unique, a été un outil d'assimilation, éradiquant des pratiques culturelles et linguistiques régionales.
En outre, tout comme les peuples autochtones d'Amérique, les Occitans ont vu leur culture marginalisée souvent reléguée au statut de vestige d’un passé révolu, le folklore seul étant éventuellement toléré, dans certains contextes bien précis. (voir mon autre article de blog : la culture ne se résume pas au folklore)
Ainsi, bien que les échelles et les contextes diffèrent, l’éradication systématique d’une identité et la lutte pour la reconnaissance d’une culture opprimée établissent un lien frappant entre les situations des peuples autochtones d’Amérique et des Occitans en France.
Les autres langues régionales du pays ont elles aussi souffert de l'effacement de leurs spécificités culturelles et linguistiques au profit d'une uniformisation centralisatrice.
Or, le Monde entier s'accorde à considérer la situation des peuples autochtones d'Amérique comme choquante et scandaleuse, mais en France, les prises de conscience sont lentes et parcellaires en ce qui concerne les langues régionales...
Par exemple, bien que des avancées législatives aient été faites, notamment avec la promulgation de la loi Molac en 2021, les radios de service public peinent à mettre en œuvre une politique efficace de diffusion des langues régionales.
Les quotas, bien que parfois perçus comme une contrainte, pourraient offrir une réponse appropriée à ce problème.
Mais derrière cette question se cache une réalité bien plus complexe :
d'une part, les journalistes sont rarement formés et conscients de cette problématique des langues régionales et de la Loi, ils ne connaissent pas le rôle qu'ils ont à jouer et les textes qu'ils sont censés respecter, bien souvent, ils ne se sentent ni intéressés, ni concernés...
d'autre part, il existe également tout un système où les intérêts privés des grandes maisons de disques pèsent lourdement sur les décisions des radios publiques, détournant ainsi leur mission de service public au profit de leurs propres profits.
Certaines personnes n'ont donc pas intérêt à ce que la Loi soit respectée.
Cet article explore les enjeux liés à la diffusion des langues régionales, tout en analysant comment les maisons de disques exercent une influence néfaste sur le contenu des radios publiques, et pourquoi les quotas semblent être une réponse incontournable.
1. La loi Molac : une avancée mais des limites
La loi Molac, promulguée le 8 avril 2021, marque un tournant important dans la reconnaissance des langues régionales en France.
« L'Etat et les collectivités territoriales concourent à l'enseignement, à la diffusion et à la promotion de ces langues. »
Cette disposition constitue une mesure non seulement pour encourager leur apprentissage et leur transmission, mais qui garantit aussi explicitement leur diffusion et leur promotion.
Or, les médias de service public constituent un vecteur incontournable de cette diffusion.
Cette loi devrait donc permettre une meilleure visibilité des langues régionales à la radio, notamment dans les émissions musicales des radios publiques.
Dans les faits, cette loi ne répond pas entièrement aux attentes des défenseurs des langues régionales. Bien que la loi favorise les contenus en langues régionales, la proportion de musique diffusée dans ces langues reste bien en deçà des attentes, notamment en raison de la pression des grandes maisons de disques.
La loi Molac n’impose pas de quotas spécifiques de diffusion pour les chansons en langues régionales, ce qui laisse une grande latitude aux radios pour déterminer leur
programmation.
Or, cette absence de contrainte conduit souvent à une domination des artistes des maisons de disques, au détriment des artistes locaux bien souvent indépendants, qui chantent dans des langues régionales, et ce, même s'ils sont plébiscités par les populations locales !!!
C'est cela le plus scandaleux.
J'aurais envie de dire :
"Mesdames et messieurs du public, on vous prend pour des c..."
2. Le rôle des radios de service public : une mission de diversité culturelle et d'Education populaire
Les radios de service public, telles que France Inter, France Bleu/Ici Azur ou France 3, ont la responsabilité et l'obligation de refléter la diversité culturelle et linguistique de la société française.
1. D’après la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (dite "Loi Léotard »), Radio France est tenue d’assurer la promotion des langues régionales et de mettre en valeur la diversité du patrimoine culturel et linguistique de la France. Cela oblige les radios et télévisions de service public à contribuer activement à la promotion de ces langues.
2. Depuis le décret du 13 novembre 1987 portant approbation des cahiers des missions et des charges de la société Radio France et de l'Institut national de l’audiovisuel, Radio France a l’obligation de garantir la contribution des stations locales à l'expression des langues régionales. Cette disposition concerne notamment les antennes régionales du réseau France Bleu/Ici, telles que France Bleu Azur, qui sont tenues d'inclure des contenus en langues régionales, notamment à travers des émissions, chroniques ou bulletins d'information.
Pour rappel donc, ce sont VOS impôts qui financent ces médias. Parce qu'ils ont justement une mission et doivent également respecter la Loi*.
Cette mission de service public est d'ailleurs essentielle dans un pays marqué par une forte pluralité culturelle, et les radios publiques ont un rôle de médiation entre les différents courants artistiques et les auditeurs.
"Cependant, la réalité est toute autre."
Les maisons de disques, qui contrôlent une grande partie de la production musicale, jouent un rôle clé dans cette dynamique. Elles imposent leurs artistes vedettes, fabriqués pour plaire au plus grand nombre, et exercent une pression importante sur les radios pour qu’elles diffusent leurs productions.
Ces artistes, bien souvent issus de l’industrie du divertissement de masse, prennent la place d’artistes locaux, indépendants, parfois plus talentueux et authentiques.
Et ceux, parmi eux, qui chantent en langues régionales, peinent à obtenir une place dans les programmations des radios publiques, malgré la richesse et la diversité de leur musique.
Ce que je répète à chaque fois aux journalistes que j'ai l'occasion de rencontrer, parce qu'ils se demandent comment des chansons en niçois peuvent autant toucher le public uniquement par le biais des réseaux sociaux c'est que :
"Les artistes régionaux sont tout aussi talentueux que ceux issus du circuit mainstream, et méritent autant de visibilité. Leur travail est souvent empreint d’une forte dimension culturelle et locale, et leur musique reflète une diversité qui enrichit le paysage musical français. Seulement pour comprendre cela, il faut vraiment faire son travail de journaliste, oser sortir des sentiers battus, écouter, explorer, éduquer son oreille à des musiques et des chansons non formatées..."
J'ai au fil des années construit des amitiés avec certains journalistes, qui se sont battus pour offrir à mon travail une belle visibilité, comme par exemple, Adrien Mangano de France Bleu Azur, Nicolas Galup de Azur TV, Magali Gazzano de France 3, Badou Mandiang de Radio Africaraïbes, Simon Pégurier de Agora FM, les équipes de Radio Occitania et Radio Lenga d'òc...
Certains ont monté des radios indépendantes (non lucratives) afin de pouvoir continuer à faire leur travail de journalistes, d'autres m'ont confié n'avoir aucune manoeuvre sur les playists musicales et en souffrir, que "tout leur était imposé d"en haut".
"L'absence de chansons en langue réginale des ondes est un symptôme de la domination des logiques commerciales qui pourraient même s'apparenter à du "détournement de mission de service public". Si ce ne sont pas les médias de services public qui résistent à cette paupérisation de la culture, qui le fera ? "
En soutenant la diversité linguistique et en offrant une représentation équitable, la radio publique participerait à l’éducation populaire, en favorisant la reconnaissance et la valorisation des cultures régionales, et des idées régionales, ce qui fait partie de ses missions !!!
Elle pourrait ainsi être un vecteur important de transmission de savoirs et de mémoires, et un espace de résistance face à l’uniformisation culturelle. Car derrière une langue se cachent une philosophie, un art de vivre, de cuisiner, de danser, d'être au monde....mais pour comprendre cela, il faut justement avoir...de la culture !!!
3. Une forte demande du public : ignorée par les radios de service public !!!?
Je l'explique pratiquement lors de chacune de mes interviews, quand on me demande "pourquoi je crée et chante en niçois" ?
voici ce que je réponds :
"Derrière chaque langue se cache bien plus qu'un simple moyen de communication. Une langue porte en elle une philosophie, une vision du monde unique, un art de vivre qui se traduit dans les coutumes, la cuisine, la danse, et la manière dont une communauté interagit avec son environnement, est en lien avec la Nature, aime, vit, sourit. Une langue véhicule des savoirs ancestraux, des valeurs culturelles et des pratiques sociales qui façonnent l'identité d’un peuple. Ainsi, préserver une langue, c’est non seulement protéger un patrimoine linguistique, mais aussi sauvegarder une manière d’être au monde, un mode de pensée et un héritage vivant, qui enrichit l'ensemble de la diversité humaine."
J'ai aussi constaté qu'il existe une demande réelle de la part du public pour une plus grande représentation des langues régionales dans les médias. Tout simplement parce que cela les touche, c'est proche d'eux, cela les fait se sentir reconnus, respecter, cela renforce le sentiment d'appartenance à une communauté.
Je ne compte plus les fois où dans la rue, à Nice, on me demande pourquoi ma chanson du Marché de la Libération , ou encore "Ten-te fièra !" ne passe pas à la radio Ici Azur ?
De nombreuses études et sondages montrent que les auditeurs seraient intéressés par une programmation musicale plus diversifiée, incluant des artistes chantant en langues régionales. Cependant, cette demande est quasiment systématiquement ignorée par les radios publiques.
Pourquoi ? Paraîtrait-il que cela n'intéresse personne !!! Voilà ce que j'ai entendu,par des Directeurs d'antenne imbus et orgueilleux...je vous le promets...et me connaissant, vous savez que je n'ai pas pu m'empêcher de "très légèrement les recadrer", et surtout, d'essayer de faire de la pédagogie (mais comment apprendre quelquechose à quelqu'un qui croit tout savoir...autre débat).
L’argument de ces personnes, qui prétendent que le public n’a pas d’intérêt pour la musique en langue régionale, est contredit par la réalité.
Il est évident que l’on peut créer une habitude d’écoute, comme cela est fait avec les groupes et artistes qui, depuis des décennies, inondent les ondes des radios avec leurs chansons, parfois à répétition, jusqu’à ce que le public finisse par les apprécier.
"Si le public écoute 10 fois par jour Depeche Mode depuis 20 ans, il va finir par aimer... alors pourquoi ne pas essayer avec des artistes en langue régionale ?"
Cette logique de "l’habitude d’écoute" pourrait parfaitement s’appliquer aux musiques régionales, qui se font remarquer sur les réseaux sociaux. Si les radios publiques donnaient une chance régulière à ces artistes, un plus large public finirait par les apprécier et les intégrer dans son paysage sonore quotidien, tout comme il a appris à aimer des artistes d’autres horizons.
Amusez-vous par exemple à écouter, en été, la célèbre chanson "Dimanche aux Goudes" de Massilia Sound System, blingue français-occitan (exemple pris au hasard)...
Dîtes-moi si au bout de trois ou quatre fois, vous n'allez pas "dandiner des fesses" en l'écoutant, et avoir le coeur rempli de joie ?
Je vous mets au défi de ne pas danser en l'écoutant...
Donc :
LES ARTISTES SONT LA
LES CHANSONS SONT BELLES
LE PUBLIC EST EN DEMANDE
Pourquoi les radios de service public ne diffusent pas ?!
4. Pourquoi les radios de service public ne diffusent pas ?!
En tant qu’acteurs du service public, les radios ont un rôle essentiel à jouer dans cette éducation populaire, en donnant accès à cette diversité musicale. En intégrant les langues régionales à leur programmation, elles contribueraient à renforcer le lien entre le public et sa culture locale, tout en soutenant des artistes qui sont souvent les porte-parole de ces cultures.
Ce que j'ai découvert au fil des années, c'est qu'en vérité, le volet financier représente un aspect clé de la résistance des radios à partager leur "gâteau" avec les artistes indépendants.
Parce que les décideurs savent très bien que ces artistes là ne se soumettront pas à la maison de disque et ils devront donc perdre des revenus, ou accepter de travailler avec des artistes différents de la norme. Qui voudront garder leurs droits d'auteurs, leur style, leur culture !
Et oui...la diffusion d'artistes locaux ou en langues régionales pourrait potentiellement réduire l'impact commercial des morceaux populaires des catalogues, limitant ainsi les revenus générés pour eux.
De plus, ces radios préfèrent souvent jouer le rôle de "leaders d'opinion" en diffusant des chansons déjà bien établies, garantissant ainsi une audience plus large et, par conséquent, des recettes publicitaires plus élevées. Sauf que la radio de service publique n'a pas à faire la propagande des maisons de disque et doit garder une certaine classe quant à la qualité de son contenu !
Ce système est une "caste" de grandes maisons de disques et d'artistes dominants, qui conserve une grande part du pouvoir financier et de l'influence médiatique, au détriment de la diversité musicale et de la véritable mission d'intérêt public des médias. Au détriment même de la Liberté d'expression et de pensée.
Voici un exemple chiffré qui va vous permettre de très vite comprendre :
sur une antenne locale, comme Ici Azur :
Pour une diffusion locale, la rémunération est généralement plus faible que pour une diffusion nationale. On peut estimer une fourchette pour 1 diffusion d'une chanson d'environ 3 min.
Source | Rôle concerné | Montant estimé |
SACEM | autrice + compositrice | 5 à 15 € |
SPEDIDAM | interprète | 1 à 4 € |
SCPP / SPPF | productrice | 3 à 10 € |
Total une chanson d'un artiste comme moi qui aurait toutes les casquettes : entre 9 € et 29 € par passage
Ces montants peuvent légèrement varier :
• selon l’heure de diffusion (prime time = mieux payé),
• si ton morceau est long ou court,
• et selon les répartitions spécifiques de chaque société.
estimation totale pour une diffusion de trois minutes sur une radio nationale:
• Droits d’auteur (SACEM) : environ 90 à 120 euros
• Droits voisins producteur (SCPP/SPPF) : environ 5 à 20 euros
• Droits voisins interprète (SPEDIDAM) : environ 3 à 10 euros
Ainsi, pour une seule diffusion de trois minutes, le total compris entre 98 et 150 euros. Si la chanson est diffusée trois fois par jour, ces montants seraient multipliés par trois, soit entre 294 et 450 euros par jour!!!
Veuillez noter que ces chiffres sont des estimations basées sur des sources disponibles et peuvent varier en fonction de nombreux facteurs spécifiques à chaque diffusion.
Ces chiffres montrent qu'une diffusion régulière génère des revenus non négligeables pour les titulaires des droits – principalement les maisons de disques et les grands producteurs.
Par conséquent, les radios n'ont pas intérêt à modifier cette dynamique, car elle leur permet de continuer à alimenter des flux financiers importants. Le système est quasiment "verrouillé".
La réticence à promouvoir des artistes indépendants soulève des questions sur la mission d'intérêt public des radios et leur responsabilité dans la promotion de la diversité culturelle et musicale. L'expression "détournement de mission au service des intérêts privés" n'est pas exagérée.
C'est mon constat, pas seulement le mien, celui de nombreux artistes, et comme je vous 'lai dit, également des certains journalistes de ces mêmes radios qui ont encore une conscience professionnelle et le sens de leur mission.
5. Les quotas : une réponse nécessaire à la domination des maisons de disques
L'artiste indépendante Keny Arkana, réputée pour son parcours unique en dehors de l'industrie musicale mainstream, aborde dans sa chanson "Intro Element Feu" la situation des Occitans, qu'elle compare à son propre parcours personnel.
Elle chante :
"Ennemie du Royaume comme si je m'appelais Occitanie",
soulignant ainsi le manque de reconnaissance et d'acceptation de l'Occitanie culturelle par l'État français, qui entraîne l'invisibilisation de ses artistes, pourtant nombreux et talentueux.
Pourquoi ne pourrait-on pas avoir un artiste qui chante en langue régionale aux Victoires de la Musique ?
Cette discrimination, qui perdure malgré la reconnaissance de Frédéric Mistral, lauréat du Prix Nobel de Littérature en 1904, touche non seulement les Occitans, mais aussi d'autres langues et cultures régionales en France.
En effet, la situation de langues comme le Breton, le Basque, le Corse ou le Catalan, bien qu'elles aient des histoires riches et des identités fortes, reste souvent marginalisée, voire négligée par les institutions. Les artistes de ces régions sont confrontés à des défis similaires, où leur travail et leur langue peinent à trouver une véritable place dans le paysage culturel national.
Quelques exemples qui montrent que la demande existe au niveau du public :
Nolwenn Leroy a été nommée dans la catégorie Artiste féminine de l'année 2012 suite à l'imposant succès de son album concept "Bretonne", arraché à plus d'un million d'exemplaires dans le pays. I Muvrini (Corse) a obtenu la Victoire de la Musique à deux reprises, en 1997 et 2003. Le groupe Kassav (Créole Réunionnais) a obtenu les Victoires lui aussi en 1998...
Les groupes indépendants sont encore plus nombreux et ont un très large public, même au delà des frontières de l'hexagone :
Face à cette situation de déséquilibre, l’instauration de quotas de diffusion de chansons en langues régionales apparaît comme une solution incontournable.
Les quotas permettraient de garantir une plus grande visibilité des langues régionales sur les ondes nationales et régionales, compensant ainsi le déséquilibre actuel. Le mouvement en faveur des quotas est soutenu par de nombreux artistes, associations et militants de la culture régionale. Anne Etchegoyen, une figure emblématique de cette lutte, milite activement pour que la radio publique diffuse davantage de musique en langues régionales, estimant que :
"la situation actuelle ne correspond pas aux engagements pris par l’État."
Les passages radio sont un moyen très lucratif de promouvoir les artistes et contribuent à la visibilité, mais aussi à la vente de disques et aux concerts. Il est donc crucial de rééquilibrer cette situation par des mesures contraignantes, comme les quotas.
L'Afrav (Association francophonie avenir) fournit aussi des explications sur les quotas, énonçant les raisons pour lesquelles ils sont nécessaires pour défendre la production musicale en français face à celle en anglais.
Son argumentation, très bien construite, s'applique parfaitement pour la production en langues autochtones face à celle en français, la pertinence de la transposition apparaissant assez évidente. https://www.francophonie-avenir.com/fr/Info-breves/357-Les-quotas-de-chanson-francaise-sont-ils-efficaces-Par-Marc-Beaufrere
Ainsi, l’absence de quotas de diffusion pour les langues régionales n’est pas qu’une simple question d’offre musicale.
Les radios de service public doivent remplir une mission culturelle, en mettant en lumière toutes les voix de la société, et non seulement celles qui génèrent des profits à court terme pour l’industrie musicale.
Le renforcement de la loi Molac et l’instauration de quotas sont des pistes qui doivent être explorées pour garantir une meilleure place aux langues régionales dans les médias.
Les radios publiques doivent assumer pleinement leur rôle de diversité et de médiation culturelle, en prenant des mesures concrètes pour diffuser davantage de musique en langues régionales. Les journalistes doivent se former.
Les quotas, tout en garantissant une meilleure représentation des langues régionales, pourraient également offrir une opportunité pour les artistes locaux de se faire connaître au-delà de leur région. Les radios publiques devraient être un tremplin pour ces talents.
Conclusion
La question des quotas pour la diffusion de la musique en langues régionales à la radio va bien au-delà des préoccupations législatives ou culturelles. Elle met en lumière un système où des intérêts privés détournent les missions des radios de service public pour préserver leur pouvoir économique. L’instauration de quotas est donc une mesure nécessaire pour garantir la diversité musicale et protéger les langues régionales contre l’uniformisation culturelle. Elle permettrait de rétablir l’équilibre entre les différentes expressions musicales, en donnant une voix plus forte aux artistes régionaux, tout en respectant la mission de service public des médias.
*📜 Voici les principaux textes de référence concernant la diffusion en langues autochtones sur les radios :
Constitution française (modifiée en 2008) — article 75-1 :
« Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. »
Cet article consacre constitutionnellement leur valeur patrimoniale, et traduit ainsi la nécessité et le caractère primordial de leur protection et de leur diffusion.
Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (dite "Loi Léotard")
Article 3-1 :
L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ARCOM « veille à la défense et à l'illustration de la culture et du patrimoine linguistique national, constitué de la langue française et des langues régionales.
Article 43-11 :
Les sociétés concernées, dont la société nationale de programme dénommée Radio France, «assurent la promotion de la langue française et, le cas échéant, des langues régionales et mettent en valeur la diversité du patrimoine culturel et linguistique de la France.»
Article 6 :
La société Radio France « veille à ce que les stations locales contribuent à l'expression des langues régionales. »
Cela oblige les radios et télévisions de service public à contribuer activement à la promotion de ces langues. Cette disposition concerne notamment les antennes régionales du réseau France Bleu/Ici, telles que France Bleu Azur/Ici Azur, qui sont tenues d'inclure des contenus en langues régionales, notamment à travers des émissions, chroniques ou bulletins d'information.
Recommandations d’Oslo concernant les droits linguistiques des minorités nationales
9. «Les personnes appartenant à des minorités nationales devraient avoir accès à un temps d’émission dans leur propre langue sur les médias financés publiquement. Aux niveaux national, régional et local, la quantité et la qualité du temps alloué à la radiodiffusion dans la langue d’une minorité donnée devraient être en rapport avec la taille numérique et la concentration de la minorité nationale, et appropriée à sa situation et à ses besoins. »
Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (signée en 1999 mais non ratifiée par la France) Bien que non ratifiée, elle inspire de nombreuses actions de soutien et de diffusion par les institutions.
Les langues régionales sont un héritage vivant qu’il convient de protéger activement. La Constitution, la loi sur la communication, et le cahier des charges des médias publics imposent aux radios de service public d’assurer une présence régulière et valorisante de ces langues sur leurs ondes.
Pour aller plus loin...
En refusant de diffuser en langue autochtone, ne serait-ce que dans le domaine musical, ou en le faisant de façon minime, le service public participe, par son action, à l’assimilation linguistique et culturelle des populations autochtones, ce qui est contraire au droit international.
Droits linguistiques des minorités linguistiques : Guide pratique pour leur mise en œuvre – 4.6 Langues minoritaires et médias, p. 33-37
Le site JUSTICE POUR NOS LANGUES fournit des éléments de droit généraux qui peuvent aussi s'avérer intéressants. : droits de l’homme fondamentaux relatifs aux langues autochtones, droit de ne pas subir d’assimilation forcée, droit des minorités linguistiques à la protection, droits des personnes appartenant à des minorités linguistiques, droit à la protection des langues autochtones.
Je remercie l'administrateur de ce site pour toutes les précisions législatives fournies.
Voici la liste des références classées par ordre chronologique, en tenant compte de la Loi Molac (loi n° 2021-1028 du 8 avril 2021) et des autres événements et articles pertinents :
2015-2016 :
Premiers débats et réflexions sur la question des quotas et de la protection des langues régionales
2019-2020 : Actions et prises de position des acteurs culturels et politiques
L’Express (1er décembre 2020 )L’Occitan sur France Bleu : une réflexion sur la place des langues régionales à la radio. lien
2021 : Adoption de la Loi Molac
Loi Molac (8 avril 2021) Loi n° 2021-1028 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion. lien
Ministère de la Culture (juillet 2021) La protection et la promotion des langues régionales. lien vers le pdf
2022- 2023 : Renouveau des discussions et soutien à l'application des quotas
Enbata (28 mars 2022) Adresse aux candidats concernant la sauvegarde des langues régionales. lien
France Bleu (20 février 2023) Anne Etchegoyen appelle à plus de titres en langues régionales sur les radios et télévisions nationales. lien
Peio Etxeleku - Facebook (9 mars 2023) Appel pour une meilleure représentation des musiques régionales. lien
LSPB - Anne Etchegoyen et son combat pour la musique en langues régionales (5 mai 2023)
Présentation des engagements de la chanteuse pour la musique en langues régionales. lien
Sud Ouest (16 septembre 2023) Un concert à Paris pour défendre les musiques régionales et soutenir l'idée de quotas. lien
Questions à l’Assemblée nationale (26 septembre 2023) Interrogation sur l’application de la loi pour promouvoir les langues régionales dans les médias. lien
2025 : Engagements continus et combats pour la diversité musicale
Article Langues régionales : quel statut juridique en France ? Par Yassin Jarmouni, Juriste. 16 janvier 2025. lien
Libération (1er février 2025) - Anne Etchegoyen poursuit son combat pour la promotion des musiques en langues régionales. lien
Zine (février 2025) "Li Belugas de la diva : Faut-il imposer des quotas en radio pour les langues régionales ?" lien
Références législatives et institutionnelles supplémentaires
ARCOM (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) Les quotas de chansons à la radio, une mesure pour soutenir la diversité musicale. lien
Senat (proposition de loi) Proposition législative sur la promotion des langues régionales dans les médias. lien
La Gazette des Communes (2020) La protection patrimoniale des langues régionales dans le Journal Officiel. lien
OpenEdition Books (ouvrage sur les langues régionales) Réflexions sur la promotion des langues régionales et la diversité culturelle en France. lien
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